Cuando una mujer encuentra un libro (XI) Gavalda

"Il y a plein de choses dans notre tête. Plein de choses très éloignées de ces borborygmes racistes. Il y a la musique et les écrivains. Des chemins, des mains, des tanières. Des bouts d’étoiles filantes recopiés sur des reçus de carte bleue, des pages arrachées, des souvenirs heureux et des souvenirs affreux. Des chansons, des refrains sur le bout de nos langues. Des messages archivés, des livres massues, des oursons à la guimauve et des disques rayés. Notre enfance, nos solitudes, nos premiers émois et nos projets d’avenir. Toutes ces heures de guet et toutes ces portes tenues. Les flip-flap de Buster Keaton. La lettre d’Armand Robin à la Gestapo et le bélier des nuages de Michel Leiris. La scène où Clint Eastwood se retourne en disant Oh... and don’t kid yourself Francesca... et celle où Nicola Carati soutient ses malades suppliciés au procès de leur bourreau. Les bals du 14 Juillet à Villiers. L’odeur des coings dans la cave. Nos grands-parents, le sabre de Monsieur Racine, sa cuirasse luisante, nos fantasmes de provinciaux et nos veilles d’examen. L’imperméable de Mam’zelle Jeanne quand elle monte derrière Gaston sur sa moto. Les Passagers du vent de François Bourgeon et les premières lignes du livre d’André Gorz â sa femme que Lola m’a lues hier soir au téléphone alors que nous venions encore de saquer l’amour pendant une plombe : « Tu vas avoir quatre-vingt-deux ans. Tu as rapetissé de six centimètres, tu ne pèses que quarante-cinq kilos et tu es toujours belle, gracieuse et désirable. » Marcello Mastroianni dans Les Yeux noirs et les robes de Cristobal Balenciaga. L’odeur de poussière et de pain sec des chevaux, le soir, quand nous descendions du car. Les Lalanne dans leurs ateliers séparés par un jardin. La nuit où nous avons repeint la rue des Vertus et celle où nous avons glissé une peau de hareng sous la terrasse du restaurant où travaillait cet âne bâté de Poêle Tefal. Et ce trajet, allongés sur des cartons à l’arrière d’une camionnette, pendant que Vincent nous lisait tout L’Etabli à haute voix. La tête de Simon quand il a entendu Björk pour la première fois de sa vie et Monteverdi sur le parking du Macumba."

"Toutes ces bêtises, tous ces remords, et nos bulles de savon à l'enterrement du parrain de Lola... 
Nos amours perdues, nos lettres déchirées et nos amis au téléphone. Ces nuits mémorables, cette manie de toujours tout déménager et celui ou celle que nous bousculerons demain en courant après un autobus qui ne nous aura pas attendus"




" Pourquoi lui parle-t-elle si mal? Sait-elle seulement à qui elle s'adresse? Sait-elle que l'homme assis à ses côtés était un dieu des modèles réduits? Un as du Meccano? Un génie des Lego system?

Un petit garçon patient qui a mis plusieurs mois à construire une planète délirante avec du lichen séché pour faire le sol et des bestioles hideuses fabriquées en mie de pain et roulées dans de la toile d'araignée?

Un petit gars têtu qui participait à tous les concours et les gagnait presque tous: Nesquik, Ovomaltine, Babybel, Caran d'Ache, Kellogg's et Club Mickey?

Une année, son château de sable était si beau que les membres du jury l'ont disqualifié en l'accusant de s'être fait aider. Il a pleuré tout l'après-midi et notre grand-père a dû l'emmener dans une crêperie pour le consoler. Là, il a bu trois bolées de cidre d'affilée. Sa première cuite.

Réalise-t-elle que son bon toutou de mari a porté jour et nuit et pendant de mois une cape de Superman en satin rouge qu'il pliait consciencieusement dans son cartable chaque fois qu'ils franchissait les grilles de l'école?
Le seul garçon qui savait réparer la photocopieuse de la mairie. et le seul aussi qui ait jamais vu la culotte de Myléne Carois, la fille de la boucherie Carois et fils. (Il n'avait pas osé lui dire que ça ne l'intéressait pas tellement.)

Simon Lariot, le discret Simon Lariot, qui a toujours mené son petit bonhomme de chemin avec grâce et sans embêter personne. Qui ne s'est jamais roulé par terre, qui n'a jamais rien exigé, qui ne s'est jamais plaint. [...]

Le même grand garçon qui peut rire bêtement pendant vingt minutes montre en main quand il tire sur joint et qui connaît toutes les trajectoires de tous les vaisseaux de Star Wars.

je ne dis pas qu'il est un saint, je dis qu'il est mieux que ça."

"Ensuite on s'est raconté des trucs de soeurs. je passe cette scène-là. Il y a trop de codes, de raccourcis et de hennissements. Et puis sans le son ça ne rend rien.
Les soeurs comprendront."


"L'échappée belle", de Anna Gavalda


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